Hélène a mal aux pieds. Il faut qu’elle achète des chaussures. Son mari Ménélas l’accompagne. Hélène embrasse Ménélas dans le cou, là, sous la barbe, oui, non, là, un peu à gauche, encore, c’est fou, on est mariés depuis trois ans mais on s’aime comme si on venait de se rencontrer. Qui a dit l’amour dure trois ans ? L’amour dure toute la vie, mon amour. Hélène est belle, sa bouche est rouge, sa jupe est courte, sa nuque est fine. « Avec mes talons, je suis presque aussi grande que toi. » Au bout du rayon, Pâris, le vendeur de chaussures, la regarde, rêveur. Hélène du coin de l’œil regarde Pâris qui la regarde et elle continue ses baisers avec un peu plus d’ardeur. Ménélas va payer les chaussures. Pâris finit de lacer une basket à l’envers.

Ménélas à la caisse, Pâris s’approche d’Hélène, la regarde des pieds à la tête, et glisse un mot dans son sac. Hélène s’en aperçoit, mais elle tourne la tête, baisse les yeux, rougit, et fait mine de rien. En sortant, elle dit à Ménélas : « Je crois… que j’ai quelque chose dans mon sac ». Ménélas fouille et trouve le mot de Pâris :

Rouge de colère, Ménélas dit que c’est une faute professionnelle, il veut revenir à la boutique et rendre les chaussures. Les veines de son cou se gonflent. Jaune de crainte, Hélène le convainc de ne pas le faire. À la maison, Ménélas tombe dans une tristesse épaisse, il s’enferme dans sa chambre. Il ne mange plus, il ne dort plus, il dépérit.

Un matin, il a une idée : il appelle Agamemnon, le gérant du magasin, et lui explique l’affaire. Agamemnon répond qu’il va s’en occuper. Ménélas va mieux, Agamemnon va moins bien. Il hésite, renvoyer Pâris lui paraît une sanction bien sévère, mais à force de rêver le jeune homme fait mal son métier, ce n’est pas la première fois qu’on se plaint de lui. Décidément, il y a des jours où Agamemnon voudrait changer de travail, il a toujours le rôle du sale type. Deux mois plus tard, il rappelle Ménélas, lui dit que Pâris est un mauvais employé, qu’il veut le renvoyer, mais qu’il lui manque l’argument décisif, et il lui demande s’il peut lui apporter le mot. Ménélas apporte le mot, Pâris est renvoyé, Hélène murmure avec un petit haussement d’épaules : « C’est dommage, il n’était pas si mauvais. »

 

À leur mort, Zeus décide d’envoyer en enfer Pâris, Agamemnon, Hélène et Ménélas, tous coupables à son avis, et vous dit que vous pouvez en sauver un. Lequel choisissez-vous ?

 

 

Pâris

Agamemnon

Hélène

Ménélas

Personne

 

Texte : Lise Charles 
Musique : Aurélien Dumont
Dessins : Pierre Michon