Et avec la participation de : Anne Blanes, Aline Cado, Julien Colardelle, Julie Hascoët, Thomas Ozoux, Zineb Sedira, Ben Wrobel
Dans le cadre de l’exposition des pensionnaires et de la Nuit des Cabanes, assistez à un programme de performances, lectures, conférences et concerts le 8 juin 2024 de 17h à 00h30.
Comme chaque année à l’approche de l’été, l’Académie de France à Rome réunit dans une exposition collective les projets des seize pensionnaires au terme de leur année de résidence à la Villa Médicis. À cette occasion, les œuvres quittent l’intimité des ateliers pour rejoindre les salles d’exposition à la rencontre du public.
Présentée du 8 juin au 8 septembre 2024 sous le commissariat du collectif romain IUNO, l’exposition intitulée A più voci (À plusieurs voix) suggère une possible partition commune produite à partir singularités artistiques. Qu’ils soient artistes, auteurs, architectes, chercheurs ou théoriciens de l’art, les pensionnaires sont liés par l’expérience collective à la Villa Médicis qui donne lieu à des résonnances et collaborations inattendues.
L’exposition se caractérise par la diversité des pratiques artistiques représentées, de la littérature à la création sonore en passant par la sculpture, la restauration du patrimoine, l’architecture, la photographie et la vidéo. Parmi la pluralité des projets émergent des thèmes récurrents : le monde végétal, le corps et ses transformations, les formes de résistance, la dialectique entre extérieur et intérieur, sans oublier la figure de Rome, ville réelle et fantasmée.
Le samedi 8 juin de 17h à 00h30, la Villa Médicis devient le théâtre d’un riche programme de lectures, conférences, performances et concerts, qui souligne une fois encore la pluridisciplinarité des propositions des pensionnaires. Performances accessibles dans la limite des places disponibles.
L’exposition est accompagnée d’une publication rassemblant des contributions inédites d’auteurs et autrices qui questionnent, racontent et mettent en perspective le travail des pensionnaires dans un dialogue fécond autour de leurs pratiques artistiques.
Pierre Adrian (France, 1991) est écrivain. Il publie son premier livre en 2015 La Piste Pasolini, récit de voyage initiatique sur les traces du poète et cinéaste italien, pour lequel il reçoit le Prix des Deux-Magots et le Prix François-Mauriac de l’Académie française. Pierre Adrian publie ensuite Des Âmes simples (Prix Roger-Nimier), Le Tour de la France par deux enfants d’aujourd’hui (avec Philibert Humm) et Les Bons garçons, toujours aux éditions des Équateurs. En 2022, son roman Que reviennent ceux qui sont loin est publié aux éditions Gallimard. À sa sortie, Marine Landrot écrit dans Télérama : « Rares sont les écritures aussi limpides et ouvragées, capables de susciter une émotion proche des larmes. »
Journaliste de formation, amateur de football et passionné de cyclisme, Pierre Adrian est chroniqueur au journal L’Équipe depuis 2016.
Dans le cadre de sa résidence à la Villa Médicis, Pierre Adrian tente de sculpter un livre dans le marbre de Carrare. En remontant la route du marbre, en s’attardant sur l’essence même du minéral et son exploitation par l’homme, il veut écrire un roman où se mêlent l’histoire des lieux, la lutte politique et écologique au cœur d’une montagne blessée, paradis devenu un enfer blanc. La carrière sera le lieu du fantasme et du secret, de la création, de la destruction, de l’asservissement et de la résistance, des plus belles ambitions de l’homme et des plus avilissantes. En racontant le marbre à Carrare, il essaie d’écrire la pierre, territoire de l’imaginaire, « immuable dans l’inépuisable, comme la poésie », selon les mots de Roger Caillois.
Mali Arun, vidéaste
Mali Arun (France, 1987) est vidéaste et réalisatrice. Son travail se situe entre la fiction, le cinéma documentaire et la vidéo d’art, il questionne et explore des espaces en marges, en mouvements ou en conflits. Mali Arun a exposé dans de nombreux lieux et festival en France et à l’international, notamment au Palais de Tokyo (Paris) en 2019, au Foam Museum (Amsterdam) en 2020 et à la Biennale de Lyon en 2022.
Elle est diplômée de l’École nationale supérieure des Beaux-Arts de Paris en 2013 et lauréate du Grand Prix du Salon Montrouge en 2018.
Dans le cadre de sa résidence à la Villa Médicis, Mali Arun écrit le scénario d’un film, un essai documentaire de format long, qui mêle réalité et fiction. Ce récit racontera son histoire familiale et celle de ses aïeux : elle grandit dans une famille éclatée entre la France, l’Allemagne, la Turquie, la Thaïlande et la Chine. Chaque membre de sa famille s’est exilé, du côté de sa mère comme de son père, depuis plus de trois générations. Tous vivent loin de leurs racines ; tous ont réécrit leur histoire, réinventé leur identité et leur territoire, pour des raisons à la fois personnelles, historiques et économiques. Ce film fait le récit d’une épopée complexe et fascinante. Une histoire de famille singulière à cheval entre un 20ème siècle traversé par les guerres et un monde contemporain globalisé où les racines et les repères disparaissent au profit d’un lissage et d’une uniformisation. Le travail de Mali Arun porte également sur la communauté chinoise de Prato (Toscane), qui incarne ces questions liées à l’identité, à la migration et à la mondialisation, comme un miroir à sa propre histoire.
Ismaïl Bahri, vidéaste
Ismaïl Bahri (Tunisie, 1978) utilise la vidéo, le dessin, la sculpture ou le son, sans spécialisation. Il se positionne en observateur pour mettre en place un dispositif de captation de gestes et d’expérimentations empiriques, prêtant attention à « ce qui arrive ». Son travail s’intéresse au sens qui émerge à la périphérie du regard, dans la présence du monde environnant qui affleure et révèle sa présence.
Le travail d’Ismaïl Bahri a été montré notamment au Jeu de Paume (Paris), au Musée Reina Sofia (Madrid), au Centre Pompidou (Paris), à La Criée (Rennes), à la Verrière (Bruxelles), au Beirut Art Center (Beyrouth) et à la Staatliche Kunsthalle (Karlsruhe). Ses films ont été sélectionnés dans des festivals tels que TIFF (Toronto), NYFF (New York), IFFR (Rotterdam) et FID (Marseille).
À la Villa Médicis, Ismaïl Bahri souhaite développer une recherche à partir du De rerum natura (De la nature des choses) de Lucrèce. Ce poème sert d’amorce pour des expériences sculpturales, graphiques et, surtout, filmiques. Entre enquêtes en atelier et quêtes au dehors, la résidence ouvre un temps de fermentation propice à l’observation quotidienne de phénomènes naturels. En prise directe avec les éléments, la méthodologie empirique proposée par le poème activera diverses pistes de recherche et de fabulations.
Séverine Ballon, compositrice
Séverine Ballon (France, 1980) est compositrice et violoncelliste. Ces deux activités se nourrissent l’une l’autre dans la recherche musicale qu’elle mène. Dans son travail d’interprète, elle privilégie les collaborations avec les compositeurs, dans l’intimité de la fabrique musicale. Elle a créé des solos et concertos de Rebecca Saunders, Chaya Czernowin, Mauro Lanza, Philippe Leroux et Francesca Verunelli entre autres.
Elle a étudié la composition à la Musikhochschule de Freiburg avec Johannes Schöllhorn et le violoncelle à la Hochschule für Musik de Berlin et de Lübeck avec Joseph Schwab et Troels Svane.
Lauréate du concours Luc Ferrari en 2019, elle a composé en 2021 le spectacle littéraire Je suis honorée d’être née dans ta tête, sur des textes de Babouillec. Ses projets récents incluent une pièce pour violoncelle et électronique pour le festival Transit (Louvain, 2022), ainsi qu’une pièce pour violoncelle et clarinette pour les musiciennes Åsa Åkerberg et Shizuyo Oka (Ensemble Recherche).
Elle a composé pour le cinéma deux musiques originales de longs métrages du réalisateur João Pedro Rodrigues : L’Ornithologue (2016) et Où est cette rue ? (2022) coréalisé avec João Rui Guerra da Mata. Son album solo Solitude est paru sur le label Aeon/Outhere et son premier album en tant que compositrice, Inconnaissance, sur le label All That Dust.
À la Villa Médicis, son projet réunit deux recherches menées parallèlement depuis plusieurs années : la première interroge le chant en tant que mémoire, matière et état ; la seconde s’articule autour de la rencontre et du partage dans le cadre d’ateliers de musique organisés au sein de lieux d’accueil et d’hébergement pour les plus démunis. Les chants et récits collectés au cours de ces ateliers donneront lieu à une fresque musicale qui interrogera ce qui différencie le chant de la parole.
Hélène Bertin, artiste plasticienne
Hélène Bertin (France, 1989) revendique une « démarche volontairement bâtarde » déployée tout à la fois en tant qu’artiste et chercheuse. Elle vit à Cucuron (Vaucluse) et développe sa pratique en tissant des liens et en engageant des aventures de travail avec des personnes passionnées, activant toujours la notion d’altérité.
À rebours de toute lecture disciplinaire, elle aborde le geste et la matière comme des stratégies pour réunir des pratiques. Dans ses expositions, ce maillage de différentes typologies d’objets et de postures crée un récit collectif. Dans ses livres, elle se concentre sur des personnalités marginales pour transporter et transmettre des histoires parallèles. Pour Hélène Bertin, le rapport sensible aux faits d’habiter et de travailler se joue dans la coopération entre les « royaumes » de chacun. C’est la rencontre avec la pratique de l’artiste Valentine Schlegel qui lui forge cette vision de l’art – à laquelle elle consacre en 2017 un livre bio-monographique renouvelant radicalement le regard sur cette artiste.
À la Villa Médicis, Hélène Bertin développe un projet consacré à la figure du cueilleur sauvage, autour duquel s’articulent trois approches : le collectage des gestes des cueilleurs dans les campagnes romaines, l’observation participante de la Tammurriata – danse traditionnelle de Campanie – comme une tentative de libération du geste, ainsi que ses propres cueillettes de matériaux pour des sculptures à venir. Tandis que la cueillette sauvage a pu être autrefois associée à un mode de vie basé sur le prélèvement de ressources naturelles disponibles immédiatement, elle prend aujourd’hui une dimension archaïque, non-conventionnelle, anarchique et constitue une résistance tenace au progrès. La cueillette peut ainsi être une pratique de survie, un défi, comme un jeu ultime.
Alix Boillot, scénographe
Alix Boillot (1992) conçoit des sculptures, des installations, des scénographies, des performances et des éditions. Toutes ont en commun la quête d’un certain versant – romantique, mystique, joueur – de notre humanité, qui s’attache à ce qui n’a d’autre valeur que celle qu’on y accorde. En d’autres termes, il s’agit de rassembler ici-bas des traces tangibles de notre attachement au sacré.
Diplômée de l’École nationale supérieure des Arts Décoratifs de Paris, son travail a notamment été présenté à la Ménagerie de Verre (Paris), à Lafayette Anticipations (Paris), à la Fondation Ricard (Paris), à l’église Saint Ignace à l’occasion de la Nuit Blanche (Paris), à Plastique Danse Flore (Versailles), aux Subs (Lyon), au CND (Pantin), au CNDC (Angers), au Festival d’Automne (Paris) et au Festival d’Avignon.
Parmi de nombreuses collaborations, elle a travaillé avec César Vayssié, Ivana Müller, Ola Maciejewska, Robert Cantarella, Dominique Gilliot, Anaïs de Courson, Émilie Labédan, Julien Lacroix.
À la Villa Médicis, Alix Boillot approfondit ses recherches sur l’eau et sur les contenants (naturels ou artificiels) qui définissent sa forme. Des lacs aux fontaines, l’eau s’y dépose lourdement, horizontalement. Ses recherches s’élargissent à l’eau qui déborde de ces limites rationnelles : l’eau bénite, celle des rituels de toute religion ; l’eau des sources qui irrigue de nombreux mythes ; les âmes humides et mouvantes de la mélancolie. Rome, née du Tibre et maîtresse de la gestion des eaux, la Villa Médicis, ses jardins et bassins, les cérémonies du Vatican voisin, composent un terrain de recherche et d’expérimentation idéal pour approcher ce corps poétique et politique.
Madison Bycroft, artiste plasticien·ne
Madison Bycroft (Australie, 1987) vit et travaille à Marseille. Diplômé·e de la University of South Australia ainsi que du Piet Zwart Institute de Rotterdam, iel travaille avec la vidéo, la sculpture et la performance. Les recherches de Madison Bycroft s’étendent aux formes de lecture et d’écriture, d’expression et de refus, explorant la façon dont nous pourrions réimaginer la « lecture » (dans son sens étendu) et la compréhension, non pas comme accomplissement, mais comme relation.
Madison Bycroft a présenté son travail à Beyrouth, Singapour ou encore New York, mais aussi en France notamment au CAC Brétigny, à la Biennale de Rennes et au Palais de Tokyo. En 2022, plusieurs projets de performances l’ont amené·e à présenter son travail dans le cadre de la foire Art Basel en Suisse, dans les jardins botaniques de Cordoue ou encore au MAXXI L’Aquila. Plus récemment, iel a présenté Joystick, un jeu vidéo créé en collaboration avec Ubisoft.
À la Villa Médicis, Madison Bycroft mène une recherche en trois volets afin de développer un projet de film intitulé Cena Trimalchio, une adaptation des fragments 28 à 79 du Satyricon de Pétrone. Le premier volet de recherche s’intéresse à l’élégance romaine à l’époque de Néron et de Pétrone, et comprend une étude du Satyricon. Le deuxième volet porte sur la table du dîner et le festin, tandis que le dernier volet concerne « l’augure », figure de la Rome antique capable d’interpréter les phénomènes fortuits considérés comme des présages. L’attention portée à l’horizon, à la pensée orientée vers un but, aux récits errants et à la désorientation reliera ces différentes recherches.
Laure Cadot, conservatrice-restauratrice
Laure Cadot (France, 1980) est conservatrice-restauratrice spécialisée dans le traitement des matériaux organiques et des restes humains en particulier. Diplômée en histoire de l’art, muséologie et recherche appliquée de l’École du Louvre et en conservation-restauration et conservation préventive (Université Paris 1 Panthéon-Sorbonne), elle exerce depuis une quinzaine d’années en tant qu’indépendante auprès des collections publiques françaises et européennes. Ses travaux de recherche sur le statut et la conservation des collections de restes humains l’ont amenée à travailler sur ces questions encore peu abordées au sein de la filière archéologie et ethnographie du Centre de Recherche et de Restauration des musées de France en tant que chargée de mission, et à publier régulièrement sur le sujet dans des revues et ouvrages spécialisés.
Dans le prolongement de ses recherches et de sa pratique professionnelle, la résidence de Laure Cadot à la Villa Médicis vise à rassembler et à poser les bases méthodologiques d’un domaine aux multiples ramifications et aux enjeux complexes. En parallèle de recherches bibliographiques, des rencontres et entretiens avec différents acteurs Italiens en liens avec ces collections particulières (conservateurs, restaurateurs, anthropologues, archéologues…) permettront de comparer les approches françaises et italiennes pour définir les traits communs et particularités de ce domaine en forte évolution depuis le début des années 2000 notamment au travers des problématiques de restitution et de respect du corps humain dans les institutions culturelles. Ce travail aura pour objectif de proposer des orientations pratiques adaptées aux sensibilités et singularités de chaque typologie en fonction de leur matérialité, provenance, datation, technique de préparation, histoire patrimoniale etc., ainsi qu’à leurs usages scientifiques pour une meilleure prise en charge de ce patrimoine fragile et précieux à plus d’un titre.
Céline Curiol, écrivaine
Céline Curiol (France, 1975) est romancière et essayiste. Elle a publié une douzaine de livres dont Voix sans issue, Permission, L’Ardeur des pierres, Un quinze août à Paris – histoire d’une dépression, Finir par l’éternité et Les lois de l’ascension, dont plusieurs ont été traduits à l’étranger. Elle apporte régulièrement sa contribution à des revues et des recueils collectifs en lien avec la littérature ou les sciences humaines. Diplômée de l’École nationale supérieure des techniques avancées et de la Sorbonne, elle a été journaliste reporter à l’étranger pendant plus de dix ans avant de revenir vivre en France, où elle enseigne l’écriture créative et la communication écrite.
Le projet de recherche et d’écriture qu’elle réalise à la Villa Médicis gravite autour des figures de la méduse et de la poule. Elle s’intéresse à des situations et des œuvres d’art où toutes deux ont surgi du fait de leurs relations et de leurs démêlés avec un être humain. À partir d’un terme directeur, celui de frange, Céline Curiol s’interroge sur le hors-limite, l’invasif, le monstrueux. C’est à l’intérieur d’un roman-récit que l’écriture de ce projet s’efforcera d’avoir lieu, là où devraient apparaître trois femmes fictives, évoluant chacune à diverses distances du cœur de Rome – et de celui de l’autrice –, de la et de leurs natures. Les enjeux de ce travail seront poétiques et politiques, écologiques et féministes, humoristiques.
Jean-Charles de Quillacq, artiste plasticien
Jean-Charles de Quillacq (France, 1979) développe des ensembles de sculptures à la fois organiques et abstraits, conceptuels et fétichistes, qu’il présente en invitant d’autres personnes à prendre part à leurs protocoles d’exposition. Il a ainsi produit plusieurs performances dont Transport Amoureux à Triangle France en 2018 et Fraternité Passivité Bienvenue au Palais de Tokyo en 2016.
Son travail a fait l’objet de plusieurs expositions monographiques, notamment en 2021 à Art 3 Valence, en 2020 à la galerie Marcelle Alix qui le représente, à Bétonsalon en 2019 et à La Galerie, centre d’art contemporain de Noisy-le-Sec en 2018. Il a récemment exposé au Bemis Art Center (Omaha, États-Unis), au Musée d’Art Moderne de Paris, au Palais de Tokyo, à la Biennale Matter of Art de Prague et à la dernière Biennale de Rennes. Jean-Charles de Quillacq est diplômé de l’École des Beaux-Arts de Lyon et a poursuivi sa formation artistique à la Weißensee Kunsthochschule de Berlin et à la Rijksakademie d’Amsterdam, dont il était résident en 2010 et 2011.
À travers ses sculptures, Jean-Charles de Quillacq interroge le rapport au corps dont il montre la pénétrabilité et la porosité à nos économies capitalistes. Pour son projet à la Villa Médicis, il s’intéresse au concept italien de morbidezza. Si le terme morbide en français est toujours du côté du maladif, la dérivation italienne de morbidezza au XVIe siècle évolue plutôt vers une appréciation positive de la mollesse, en même temps qu’apparaît la représentation d’un corps nouveau, beaucoup plus jeune et au genre indistinct. La mollesse de ces corps renaissants est liée à la façon de penser notre rapport au monde, et le projet de Jean-Charles de Quillacq vise à déployer tout le potentiel positif à être mou, si l’on accueille d’autres logiques que celles validées par nos régimes capitalistes.
Ophélie Dozat, architecte
Ophélie Dozat (France, 1993) est architecte, enseignante et chercheuse. Diplômée en 2018 de l’ENSA Versailles et de l’EHESS, elle poursuit un doctorat en architecture à École nationale supérieure d’architecture de Versailles (ENSA-V) et à l’université de Cergy-Pontoise avec une recherche qui interroge le rôle esthétique du mur de soutènement dans la construction des paysages.
Formée chez 2A+PA (Rome) et DOGMA (Bruxelles), ECOLE et N. Simon Architectes (Paris), elle co-fonde en 2022 son agence d’architecture Materra-Matang à Paris. Sa pratique se développe autour d’une analyse aiguë des milieux habités et naturels avec la forte intention de connecter l’architecture à son sol. Enseignante à l’ENSA-V, elle collabore également à des projets de recherche sur l’aménagement territorial et urbain, qui ont fait l’objet d’expositions à la Biennale d’Architecture et de Paysage (2019) ou encore au Pavillon de l’Arsenal avec le projet « Scénarios Futurs », lauréat du concours FAIREPARIS (2020).
Intitulé Substruction, son projet pour la Villa Médicis propose une relecture des soutènements de Rome, en les considérant comme des objets esthétiques de l’espace urbain, supports de récits et d’interactions collectives. À travers un relevé des murs-palimpsestes de la ville et la production d’objets métaphoriques qui s’en inspirent, son projet vise à s’approprier ces murs qui nous entourent pour tenter de les qualifier et de les réinscrire dans le champ de l’esthétique. De l’ouvrage d’art à l’œuvre d’art, le soutènement dépasse sa fonction technique initiale, comme un élément tangible qui ouvre à de nouveaux potentiels habitables dans l’espace urbain.
Hamedine Kane, artiste plasticien
Hamedine Kane (Mauritanie, 1983) est un artiste et réalisateur sénégalais vivant entre Dakar, Bruxelles et Paris. Son travail s’intéresse à l’exil, l’errance, l’héritage et la prise de conscience qui découle des expériences politiques post-indépendance de certains pays d’Afrique. Il questionne leur histoire récente, en particulier celle du Sénégal, et rend compte de ses bouleversements et de ses aspirations autour des notions d’Afro-nostalgie et d’Afro-utopie. Hamedine Kane s’intéresse également à l’influence de la littérature africaine, africaine-américaine et afro-diasporique sur les engagements politiques, sociaux et environnementaux.
Hamedine Kane a récemment participé à de nombreux festivals et biennales en France et à l’international telles que les Biennales de Dakar et de Berlin en 2022, Momenta Biennale en 2021, la Biennale de Taipei en 2020, et à de nombreuses expositions dans le cadre de la saison Africa2020 en France.
À la Villa Médicis, Hamedine Kane développe un projet de recherche autour de trois grands écrivains noirs américains exilés à Paris dans la seconde moitié des années 1940 : Richard Wright, Chester Himes et James Baldwin. Son projet prend la forme d’une recherche-action sur le mode de l’enquête spéculative attentive aux « savoirs situés », et s’appuie sur les témoignages de chercheurs, critiques littéraires, éditeurs, historiens, théoriciens, géographes, spécialistes de la ville, guides touristiques aussi bien qu’hôteliers, habitants et tenanciers de lieux de vie et de fête. Suivant ce que l’anthropologue Anna Tsing nomme « l’art d’observer », cette composition de témoins formera la base d’un travail dans lequel Hamedine Kane valorisera les récits du roman dit de protestation propre aux trois écrivains, attentif à l’expérience de la violence vécue et subie et au refus de la désignation qui sont exprimés dans leurs œuvres.
Kapwani Kiwanga, artiste plasticienne
Kapwani Kiwanga (Canada, 1978) est une artiste française et canadienne vivant et travaillant à Paris. Kiwanga a étudié l’anthropologie et la religion comparée à l’Université McGill de Montréal et a suivi un cursus en art à l’école des Beaux-Arts de Paris.
En 2022, elle obtient le Zurich Art Prize (CH). Elle est lauréate du Prix Marcel Duchamp (FR) en 2020, du Frieze Artist Award (USA) et du Prix Sobey pour les Arts (CA) en 2018. Elle représentera le Canada à la 60e édition de la Biennale d’art de Venise en 2024.
Kiwanga est représentée par la Galerie Poggi, Paris ; Goodman Gallery, Johannesburg, Le Cap et Londres et la Galerie Tanja Wagner, Berlin. Dans le cadre de sa résidence à la Villa Médicis, elle développe Remédiations, un projet de performance traitant de la thématique de la toxicité et prenant pour ancrage l’histoire de Rome, de l’Italie et au-delà. Des terres toxiques ou contaminées peuvent être guéries, tout comme nos habitudes toxiques peuvent être changées pour être plus saines. Certains poisons ont des antidotes : ici, une double force s’exerce. Une qui expose les structures et les raisons pour lesquelles nous nous empoisonnons ; mais aussi les gestes et formes qui nous permettent de reprendre et peut-être de remédier à notre monde toxique.
La proposition de l’artiste s’inscrit dans la continuité de ses gestes artistiques ou « stratégies de sortie », œuvres nous invitant à multiplier les perspectives afin d’aiguiser notre regard sur les structures existantes et d’envisager le futur autrement. Ainsi, Remédiations a pour volonté de mettre à nu la toxicité environnementale qui caractérise notre réalité actuelle mais aussi d’autres formes de toxicité sociales et structurelles.
Laure Limongi, écrivaine
Laure Limongi (France, 1976) développe un travail transdisciplinaire tissant des liens avec la musique, la performance et les arts visuels, mais aussi l’histoire et les sciences. La prédilection de Laure Limongi pour l’enquête, les mots, l’expression et les langues s’exprime à travers différents gestes artistiques. Elle écrit des livres – roman, fiction documentaire, essai, poésie – et les met en scène sous forme de conférences performées. Parmi ses derniers ouvrages publiés, le diptyque Ton cœur a la forme d’une île et On ne peut pas tenir la mer entre ses mains (Grasset, 2019 et 2021), ainsi que le recueil J’ai conjugué ce verbe pour marcher sur ton cœur (L’Attente, 2020). Adepte des odyssées collectives, Laure Limongi développe des collaborations artistiques et enseigne la création littéraire à l’École nationale supérieure d’arts de Paris-Cergy, après avoir été éditrice pendant une quinzaine d’années et avoir co-dirigé le Master de création littéraire du Havre.
Dans le cadre de sa résidence à la Villa Médicis, Laure Limongi développe le projet Le Service des Panacées, construit autour de trois propositions entre écriture et performance. À travers le détournement d’outils et de symboles médicaux, Laure Limongi entend proposer des performances participatives dont l’objet sera de prescrire des livres. En public ou en consultation privée, un ou plusieurs livres, avec leur posologie, seront proposés face à l’énoncé d’un « trouble ». En parallèle, Laure Limongi écrira un roman qui incarnera cette démarche – le livre comme panacée – et qui se déroulera dans l’Italie du Moyen Âge au cœur de l’École de Salerne. Ces trois gestes (performance, écriture d’un roman, classification) répondent au désir de proposer une forme qui repense la chronologie en se construisant sur l’échange, la matière vivante, l’histoire italienne, le palimpseste… car quoi de mieux qu’un livre pour s’extraire de la tyrannie de la temporalité ?
Morad Montazami, historien de l’art
Morad Montazami (France, 1981) est historien de l’art, éditeur et commissaire d’exposition. Après avoir officié à la Tate Modern (Londres) entre 2014 et 2019 en tant que curator « Moyen-Orient et Afrique du nord », il développe la plateforme éditoriale et curatoriale Zamân Books & Curating qui explore et revalorise les modernités arabes, africaines et asiatiques. On lui doit de nombreux essais sur des artistes tels que Zineb Sedira, Walid Raad, Latif Al Ani, Faouzi Laatiris, Michael Rakowitz, Mehdi Moutashar ou Behjat Sadr, et des expositions dont Bagdad Mon Amour, Institut des cultures d’Islam, Paris, 2018 ; New Waves:Mohamed Melehi and the Casablanca Art School, The Mosaic Rooms, Londres & MACCAL, Marrakech & Alserkal Arts Foundation, Dubaï, 2019-2020 ; Douglas Abdell: Reconstructed Traphouse, Cromwell Space, Londres, 2021 ; Monaco-Alexandrie. Le Grand détour. Villes-mondes et surréalisme cosmopolite, Nouveau Musée National de Monaco, 2021-2022.
Le projet de Morad Montazami à la Villa Médicis vise à finaliser deux livres et un projet d’exposition. Le premier ouvrage, pensé comme un essai personnel, Modernités cosmogoniques ou Pétro-modernités : pour une écriture alternative du modernisme, se veut un panorama de figures (peintres, sculpteurs, cinéastes, poètes du 20e siècle, de Bagdad à Alger, en passant par Le Caire, Rome et Paris), pour qui le pétrole devient une matrice cosmogonique, liée autant à la terre en tant que gisement naturel qu’à la politique via les coups d’état et autres révolutions. Le deuxième ouvrage, pensé comme un livre collectif/catalogue d’exposition, Routes cosmogoniques : une histoire visuelle post-pétrole, est un panorama de photographes, vidéastes et praticiens du numérique (contemporains) concernés par la transition énergétique, la survivance des écosystèmes, la résistance à l’urbanisme sauvage ou à la colonisation militaro-industrielle.
Justinien Tribillon, commissaire d’exposition
Justinien Tribillon (France, 1989) est un curateur, écrivain et éditeur dont le travail aborde différents media et disciplines : sciences sociales, photographie, architecture et histoire. En 2021, il présente à la Biennale d’Architecture de Venise l’exposition « Welcome to Borderland » consacrée à la migration des plantes. En 2023, il assure le commissariat et la production de « Jachères », une exploration des friches urbaines et périurbaines du Nord de la France par le biais de l’art, du design et de l’architecture.
Titulaire d’un doctorat en urbanisme de la Bartlett School of Planning, University College London, Justinien Tribillon est l’auteur d’une thèse consacrée au Boulevard périphérique de Paris comme artefact sociotechnique. Cofondateur de Migrant Journal, magazine en six numéros explorant la migration dans toutes ses formes, il contribue aujourd’hui en tant que journaliste et critique d’architecture à diverses publications dont The Guardian, The Architectural Review, AOC.
À la Villa Médicis, Justinien Tribillon poursuit ses recherches sur le sujet riche et complexe de la perruque, en vue de réaliser une exposition consacrée à cette pratique. L’étrange nom de « perruque » désigne l’activité de l’ouvrier réalisée sur son temps de travail, avec les outils et les matériaux de l’entreprise, visant à réaliser des objets ou des réparations pour soi-même. Acte souterrain, parfois toléré par la direction, la perruque est le plus souvent cachée, réprimandée, jusqu’au licenciement. C’est une pratique généralisée pourtant peu connue et documentée. La résidence de Justinien Tribillon à Rome permettra d’envisager une réflexion en miroir entre la France et l’Italie. Le projet d’exposition verra dialoguer recherches historiques et questionnement actuel sur notre relation au travail. Il offre également des défis intellectuels et curatoriaux particulièrement stimulants : comment mettre en avant une pratique subalterne sans l’institutionnaliser ? Comment questionner dans l’espace une pratique plutôt qu’une collection d’objets ?
INFORMATIONS PRATIQUES
Jours et horaires d’ouverture de l’exposition : Du lundi au dimanche (fermé le mardi) entre 10h et 19h (dernière entrée à 18h30)
Tarifs : Tarif plein : 10€ / Tarif réduit : 8€ Tarif TRIBU : 2€ Gratuit pour les détenteurs de la carte SOLO ou DUO
A partir du 15 juin et jusqu’au 6 juillet, tous les samedis et dimanches de 14h à 19h, un programme de médiation est proposé en collaboration avec la NABA, Nuova Accademia di Belle Arti, réalisé par les étudiants du MA Arts visuels et études curatorialesdu Campus NABA de Rome.
L’Académie de France à Rome – Villa Médicis remercie les mécènes et partenaires qui soutiennent sa programmation artistique et en particulier cette exposition :
Mécènes ACADÉMIE DES BEAUX-ARTS CHANEL FONDATION LOUIS ROEDERER FONDATION JEAN-LUC LAGARDÈRE FONDATION D’ENTREPRISE BANQUE POPULAIRE
Avec le soutien de CLUB CRIOLLO FATAMORGANA SOFITEL ROMA VILLA BORGHESE